1.  Motivations

Pour tester les groupes électrogènes on utilise des charges fictives qui dissipent une puissance connue à l'avance ou facilement mesurable. Idéalement une telle charge devrait être ajustable continûment en cours de fonctionnement, en vue d'étudier comment le groupe réagit à des variations de charge.

Pour ce faire on utilise typiquement des rhéostats à résistance bobinée, mais ceux qui sont capables de dissiper plusieurs kilowatts tendent à être rares et chers. Par exemple, un de nos fournisseurs habituels en propose un de 600 W pour 110 EUR.

Les rhéostats liquides, eux, sont faciles à fabriquer et peuvent atteindre plusieurs centaines de kilowatts, mais sont exigeants en matière de maintenance, calibration et précautions de sécurité.

Nous allons donc plutôt fabriquer une charge fictive à partir de composants courants et peu coûteux : interrupteurs à bascule et lampes à incandescence. La puissance dissipée sera ajustable de 0 à 1500 W par pas de 100 W.


2.  Solutions triviales

Plusieurs charges de valeur fixe connectées en parallèle s'ajoutent pour produire une charge équivalente arbitraire (Figure 1, «  Charge ajustable naïve  »), mais on peut certainement faire mieux.

Figure 1.  Charge ajustable naïve

Charge ajustable naïve

Pour réduire le nombre de composants, on pense immédiatement au codage binaire.

Figure 2.  Charge ajustable à codage binaire

Charge ajustable à codage binaire

Tableau 1.  Code binaire 4 bits

BinaryDecimalLoad BinaryDecimalLoad
0000 0 0 W 1000 8 800 W
0001 1 100 W 1001 9 900 W
0010 2 200 W 1010101000 W
0011 3 300 W 1011111100 W
0100 4 400 W 1100121200 W
0101 5 500 W 1101131300 W
0110 6 600 W 1110141400 W
0111 7 700 W 1111151500 W


Malheureusement, avec le codage binaire, la charge ne peut pas être ajustée de façon monotone. Par exemple, pour l'augmenter de 700 W à 800 W, nous devons changer la configuration des interrupteurs de OFF-ON-ON-ON (0111) à ON-OFF-OFF-OFF (1000) - un interrupteur à la fois. Quoi que nous fassions, à un certain moment il faudra basculer S3, et la charge augmentera alors brusquement de 800 W. De telles variations de charge risquent de faire caler certains groupes électrogènes  D'autres pourraient se mettre en défaut plutôt que de fournir une tension ou une fréquence non conformes.

3.  Une charge fictive à codage de Gray

Nous avons donc besoin d'un circuit qui permettra d'incrémenter ou décrémenter la charge d'une unité en basculant un seul interrupteur. Heureusement ce problème a été étudié il y a très longtemps, et la solution la plus connue est le codage de Gray. Dans un code de Gray, la distance de Hamming entre deux mots consécutifs est toujours 1.

Tableau 2.  Code de Gray 4 bits

GrayBinaryDecimalLoad GrayBinaryDecimalLoad
00000000 0 0 W 11001000 8 800 W
00010001 1 100 W 11011001 9 900 W
00110010 2 200 W 11111010101000 W
00100011 3 300 W 11101011111100 W
01100100 4 400 W 10101100121200 W
01110101 5 500 W 10111101131300 W
01010110 6 600 W 10011110141400 W
01000111 7 700 W 10001111151500 W

Cette idée s'implémente sous la forme d'un circuit très simple (Figure 3, «  Charge fictive 4 bits à codage de Gray  »). On peut le voir comme un convertisseur de Gray vers binaire vers analogique à sortie résistive. Accessoirement, les lampes affichent la valeur convertie en binaire.

Figure 3.  Charge fictive 4 bits à codage de Gray

Charge fictive 4 bits à codage de Gray

Ce circuit est en fait constitué de quatre copies aboutées d'un motif de base (Figure 4, «  Cellule de base ; circuits équivalents pour S=0 et S=1  »), après suppression de quelques éléments non connectés. Chaque cellule est un inverseur de polarité contrôlé par un bit du mot de code de Gray, plus une charge fixe. Les inversions de polarité rappellent l'algorithme de conversion des codes de Gray en codes binaires où on lit les mots de gauche à droite en inversant les bits suivants lorsqu'on rencontre un "1".

Figure 4.  Cellule de base ; circuits équivalents pour S=0 et S=1

Cellule de base ; circuits équivalents pour S=0 et S=1

Un décodeur de n bits comporte n-2 interrupteurs inverseurs à deux pôles et deux interrupteurs inverseurs simples.

Après simplification (Figure 5, «  Circuit équivalent pour le mot de code de Gray 0101 (décimal :6)  »), on voit que le circuit a en fait trois connexions, même si nous ne l'utilisons ici que comme une conductance variable à deux connexions.

Figure 5.  Circuit équivalent pour le mot de code de Gray 0101 (décimal :6)

Circuit équivalent pour le mot de code de Gray 0101 (décimal :6)

4.  Réalisation

Comme les lampes à incandescence de 100 W et plus sont en voie d'extinction, nous avons utilisé des tubes halogènes R7S de 118 mm, dont les modèles vont de 100 W to 400 W. L'étage de 800 W est constitué de deux tubes de 400 W.

Ajouts divers : Ventilateur de refroidissement, interrupteur général ON/OFF, voyants néon, voltmètre, ampèremètre, prise pour charge supplémentaire.

Une vitre de sécurité appropriée devra être ajoutée pour protéger contre les risques d'incendie et de brûlures, les rayonnements ultraviolets et les explosions de tubes.

5.  Remarques

  • Comme la résistivité du tungstène diminue considérablement avec la température, les lampes à incandescence consomment un excès de puissance pendant une fraction de seconde à l'allumage. Un palliatif est proposé dans la Figure 6, «  Maintenir tous les tubes allumés pour éviter les pics de courant à l'allumage  ».

    Figure 6.  Maintenir tous les tubes allumés pour éviter les pics de courant à l'allumage

    Maintenir tous les tubes allumés pour éviter les pics de courant à l'allumage


  • Les interrupteurs mécaniques ne sont pas parfaits. La charge chute pendant quelques millisecondes à chaque fois que l'on bascule un inverseur. Et les inverseurs DPDT doivent être mécaniquement conçus pour que les deux pôles basculent simultanément, sous peine de courts-circuits.

  • On peut ajouter de la même façon des condensateurs et des inductances afin de tester des groupes électrogènes avec des charges réactives.

  • On peut remplacer les interrupteurs par des relais électromécaniques afin d'entrer les mots de code électriquement plutôt que mécaniquement. De même, on peut remplacer les lampes par des relais afin d'extraire les bits décodés sous forme de contacts secs. De tels circuits ont peut-être été utilisés à l'époque des premiers ordinateurs électromécaniques.

  • Cette version combine les charges fixes en parallèle. La version sérielle est laissée comme exercice au lecteur.

  • Ce circuit convertit les codes de Gray en binaire. Essayez d'implémenter la conversion de binaire vers Gray, toujours avec seulement des interrupteurs.

6.  Remerciements

Merci à "rj" pour sa remarque sur le courant d'amorçage des lampes à incandescence.